Assister ou participer à la messe ?Ce sujet est toujours délicat, mais il mérite qu’on s’y penche de temps à autres, tant la liturgie, et spécialement la messe, a une place importante dans notre vie spirituelle. Il réveille encore des souvenirs douloureux, voire des plaies encore ouvertes, et souvent des inquiétudes chez certains qui trouvent dans la liturgie traditionnelle un havre de paix, de recueillement, de silence sacré ? propice à la méditation des divins mystères.
La meilleure méthode pour entrer dans la liturgie est d’écouter la voix de l’Eglise, dépositaire de ce trésor, et chargée de nous enseigner, de nous sanctifier et de nous guider (ce qui se réalise entre autre dans et par la liturgie).
L’Eglise nous enseigne d’abord que seul le prêtre agissant in Persona Christi consacre le Corps et le Sang du Christ et l’offre en tant que Tête du Corps Mystique. Cela, les rites sacrés le manifestent bien, en particulier par les prières réservées au célébrant, spécialement celles du canon, mais aussi par l’orientation du prêtre et des fidèles vers l’Orient pour toute la partie proprement sacrificielle, exprimant bien que le prêtre représente le Christ-Tête, médiateur entre Dieu et l’humanité.
Mais l’Eglise enseigne aussi, et il n’y a nulle contradiction en cela, que les fidèles, revêtus du caractère baptismal, offrent aussi, à leur manière, le sacrifice rédempteur renouvelé sur les autels. Dirent qu’ils l’offrent à un autre titre et d’une autre manière que le prêtre ne supprime pas la réalité de leur offrande. Ainsi, ils ne sont nullement des assistants, au sens où ils se contenteraient de contempler passivement le sacrifice dans lequel ils n’interviendraient que pour le recevoir.
Cette notion de participation active des fidèles n’est pas nouvelle, même si elle a été particulièrement mise en valeur par le mouvement liturgique depuis le début du XX° siècle, et surtout depuis Pie XII dans les textes du Magistère lui-même, à commencer par cette charte incontournable en la matière, l’encyclique « Mediator Dei » (20 novembre 1947), première encyclique d’un Pape consacrée à la liturgie. Citons-en quelques passages éclairants :
« Il est donc nécessaire, Vénérables Frères, que tous les chrétiens considèrent comme un devoir principal et un honneur suprême de participer au
sacrifice eucharistique, et cela, non d'une manière passive et négligente et en pensant à autre chose, mais avec une attention et une ferveur qui les unissent étroitement au Souverain Prêtre, selon la parole de l'Apôtre : " Ayez en vous les sentiments qui étaient dans le Christ-Jésus " (Ph II, 5) offrant avec lui et par lui, se sanctifiant en lui ». (Mediator Dei n°56)
«(…) Ces vérités sont de foi certaine ; les fidèles cependant offrent, eux aussi la divine Victime, mais d'une manière différente ».(n°59)
« Les rites et les prières du sacrifice eucharistique n'expriment et ne manifestent pas moins clairement que l'oblation de la victime est faite par les prêtres en même temps que par le peuple. Non seulement, en effet, après l'offrande du pain et du vin, le ministre du sacrifice, tourné vers le peuple, dit expressément : " Priez, mes frères, pour que mon sacrifice qui est aussi le vôtre, trouve accès près de Dieu, le Père tout-puissant " (Missale Rom., Ordo Missae), mais en outre, les prières
par lesquelles la divine hostie est offerte à Dieu sont formulées, la plupart du temps, au pluriel, et il y est plus d'une fois indiqué que le peuple, lui aussi, prend part à cet auguste sacrifice en tant qu'il l'offre. On y trouve ceci, par exemple : " Pour lesquels nous t'offrons, ou qui t'offrent... Nous vous prions donc, Seigneur, d'accueillir d'un cœur apaisé cette offrande de vos serviteurs et de toute votre famille... Nous, vos serviteurs, ainsi que votre peuple saint, nous offrons à votre glorieuse Majesté ce que vous-même nous avez donné et nous donnez, l'hostie pure, l'hostie sainte, l'hostie immaculée " (Ibid., Canon Missae). (n°61)
« Pour ne pas faire naître en cette matière très importante d'erreurs pernicieuses, il faut préciser avec exactitude le sens du mot " offrir ". L'immolation non sanglante par le moyen de laquelle, après les paroles de la consécration, le Christ est rendu présent sur l'autel en état de victime, est accomplie par le seul prêtre en tant qu'il représente la personne du Christ, non en tant qu'il représente la personne des fidèles. Mais par le fait que le prêtre pose la divine victime sur l'autel, il la présente à Dieu le Père en tant qu'offrande, pour la gloire de la très sainte Trinité et le bien de toute l'Église. Or, cette oblation au sens restreint, les chrétiens y prennent part à leur manière et d'une double façon, non seulement parce qu'ils offrent le sacrifice par les mains du prêtre, mais aussi parce qu'ils l'offrent avec lui en quelque sorte, et cette participation fait que l'offrande du peuple se rattache au culte liturgique lui-même ».(n°64)
« Ceux-là, par conséquent, sont dignes de louanges qui, en vue de rendre plus facile et plus fructueuse pour le peuple chrétien la participation au sacrifice eucharistique, s'efforcent opportunément de mettre entre les mains du peuple le Missel romain, de manière que les fidèles, unis au prêtre, prient avec lui à l'aide des mêmes paroles et avec les sentiments mêmes de l'Église ; ceux-là méritent des louanges qui s'efforcent de faire de la liturgie une action sainte même extérieurement, à laquelle prennent réellement part tous les assistants, ce qui peut se réaliser de diverses manières : quand, par exemple, tout le peuple, selon les règles rituelles ou bien répond d'une façon bien réglée aux paroles du prêtre, ou se livre à des chants en rapport avec les différentes parties du sacrifice, ou bien fait l'un et l'autre, ou enfin lorsque dans les messes solennelles il répond aux prières des ministres de Jésus-Christ et s'associe au chant liturgique. » (n°73)
Une instruction de la Sacrée Congrégation des Rites sur la musique sacrée et la liturgie du 3 septembre1958 poursuit dans le même sens, en dénonçant les abus et en maintenant les principes :
« La nature de la messe demande que tous les assistants y participent selon la façon qui leur est propre.
a) Cette participation doit avant tout être intérieure, entretenue par une pieuse attention de l’âme et des affections du cœur, de façon à ce que les fidèles »s’unissent étroitement au Souverain Prêtre…offrant (le Sacrifice) avec lui et par lui, se sacrifiant avec lui »(Mediator Dei.)
b) La participation des fidèles est plus complète si, à l’attention intérieure s’ajoute la participation extérieure, manifestée par des actes extérieurs comme la position du corps (à genoux, debout, assis), les gestes rituels, et surtout les réponses, les prières et les chants. » (n°22)
«(…)Le but principal de cette participation [est] un culte rendu à Dieu plus parfait et l’édification des fidèles » (n°23)
« La première façon dont les fidèles peuvent participer à la messe lue, c’est que tous, de leur propre chef, apportent une participation soit intérieure, en prêtant une pieuse attention aux principales parties de la messe, soit extérieure, selon les différentes coutumes régionales approuvées » (n°29)
« Le second mode de participation, c’est que les fidèles participent au sacrifice eucharistique en récitant des prières communes et en chantant en commun.( n°30)
« Le troisième mode enfin, et le plus parfait, c’est que les fidèles répondent liturgiquement au prêtre « dialoguant » en quelque sorte avec lui, et disant d’une voix claire les parties qui leur sont propres. » (n°31)
« Aux messes lues, tout le Pater Noster, qui est l’antique prière adaptée à la Communion, peut-être récité par les fidèles en même temps que le célébrant, et tous ajoutent Amen » (n°32) (notons au passage que ce texte est de 1958)
« Aux messes lues, les fidèles peuvent chanter des cantiques, en veillants cependant à ce qu’ils correspondent à chaque partie de la messe. »(n°33)
Toutes ces orientations ont été reprises dans la Constitution « Sacrosanctum Concilium » (4 décembre 1963) du Concile Vatican II On y lit notamment : « La Mère Eglise désire beaucoup que tous les fidèles soient amenés à cette participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques, qui est demandée par la nature de la liturgie elle-même, et qui est, en vertu de son baptême, un droit et un devoir pour le peuple chrétien (…) Cette participation pleine et active de tout le peuple est ce qu’on doit viser de toutes ses forces dans la restauration et la mise en valeur de la liturgie. Elle est, en effet, la source première et indispensable à laquelle les fidèles doivent puiser un esprit vraiment chrétien ; et c’est pourquoi elle doit être recherchée avec ardeur par les pasteurs d’âmes, dans toute l’action pastorale, avec la pédagogie nécessaire. (n°14)
« Les pasteurs d’âmes poursuivront avec zèle et patience la formation liturgique et aussi la participation active des fidèles, intérieure et extérieure, proportionnée à leur âge, leur condition, leur genre de vie et leur degré de culture religieuse. (n°19)
« Pour promouvoir la participation active, on favorisera les acclamations du peuple, les réponses, le chant des psaumes, les antiennes, les cantiques et aussi les actions ou gestes et les attitudes corporelles. On observera aussi en son temps un silence sacré.(n°30)
Les abus, les déviations nombreuses en la matière, l’équilibre tout simplement difficile à trouver ne doivent pas nous rendre méfiants vis-à-vis de ces recommandations de l’Eglise. Elle ne sont que l’application pratique de la foi de l’Eglise concernant le sacerdoce
commun des fidèles ; elles ont dictées par le mystère de la messe et le mystère de l’Eglise tout simplement.
L’Eglise n’est pas aveugle : elle sait que la participation intérieure est la plus importante, mais elle sait aussi qu’une participation extérieure peut –et doit d’une certaine manière- aider à une meilleure participation intérieure. Le but n’est pas seulement de « mieux prier », mais aussi d’avoir conscience d’offrir soi-même le sacrifice. La messe n’est pas une simple prière, une dévotion privée, elle est le culte public parfait de toute l’Eglise, Corps du Christ et Epouse du Christ.L’Eglise est pédagogue : elle sait que tous ses enfants ne sont pas dans les mêmes dispositions intellectuelles et spirituelles et qu’ils ne sont pas tous capables de la même participation. Mais elle est chargée d’éclairer leur foi et de les guider vers une participation de plus en plus profonde au sacrifice qui nous sauve.
L’Eglise est théologienne : elle distingue toujours le sacerdoce ministériel des prêtres du sacerdoce commun des fidèles, et elle demande en conséquence que chacun remplisse rien que son rôle, mais tout son rôle. Il y a ainsi des parties réservées au prêtre, des parties communes (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Pater, Agnus) et des parties qui reviennent à l’assemblée (réponses des prières au bas de l’autel, Et cum spiritu tuo, Amen, Suscipiat, dialogue de la Préface,…) que le servant dit normalement à haute voix, mais qu’il est bon que l’assemblée dise avec lui. Des réponses hautes et claires contribuent à la dignité de la célébration, tandis qu’un vague murmure informe n’est guère digne et peu agréable à entendre. Que dirait-on d’un prêtre qui bredouillerait de façon inintelligible les parties qui sont faites pour être audibles?
Faisons donc un effort pour rendre nos cérémonies plus belles et plus dignes, en semaine comme le dimanche : que chacun fasse l’effort de venir avec un missel pour suivre les textes de la messe et répondre dignement au prêtre. Essayons de répondre au même rythme, posément ; le but n’est pas d’arriver le premier à la fin du Confiteor ou de la réponse. Que pour les parties communes, l’union des voix soit l’expression de l’union des cœurs et des âmes, en particulier pour la prière du Pater, prière par excellence de tout chrétien tourné vers le Seigneur. Le dimanche ou aux autres messes chantées, n’oublions pas de prendre un carnet de chants pour chanter. Ne nous reposons pas confortablement sur la chorale ou les quelques chanteurs qui prêtent leur voix aux muets. Nos efforts ne seront pas vains. Outre qu’ils nous introduiront dans une meilleure participation aux mystères célébrés, ils rendront une plus grande gloire à Dieu par de plus belles cérémonies et seront par conséquent missionnaires auprès des hôtes de passage qui découvrent ou redécouvrent (surtout ici à N-D de Lourdes) l’antique liturgie romaine. Travaillons toujours à défendre et à soigner et à embellir le trésor liturgique qui nous a été confié par l’Eglise. Merci aux chorales grégoriennes et polyphonique qui se donnent tant de mal pour nous aider à prier sur de la beauté. Mais nous pouvons tous contribuer à la beauté de l’ensemble par nos efforts.Abbé Hugues de MONTJOYE - Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre